L'ennui




Mon état d’âme fait écho au nom de ce passage, fortuitement situé – message subliminal – à quelques pas du lieu où j’ai signé un contrat à auto-destruction (si Banksy imagine une toile qui s’auto-détruit, si Jean Tinguely crée des machines auto-destructrices, je signe quant à moi un contrat à auto-destruction. Qu’il faudrait désormais appeler CAD et non plus CDD).

Bref, mon état d’âme soupire. Il soupire et s’ennuie.

L’ennui, c’est cette journée qui ne fait que débuter, qui se prolongera huit heures durant lesquelles il faut donner l’illusion d’être occupée, débordée. Ce n’est pourtant pas faute de réclamer des tâches à remplir alors qu'il y a tellement mieux à faire que d’apposer la date du jour sur des relances d’impayés, des demandes d’attestation d’assurance ou des courriers de mécontents.

L’ennui, c’est de se rendre aux toilettes, mobile planqué dans la poche de son pantalon, afin d’insuffler un peu de mouvement  à cette vaine attente. C’est se languir du temps qu’il fait dehors, c’est s’imaginer parcourir les rues encore fraîches de l’air du petit matin.

L’ennui, c’est exhaler de dépit en scrutant –  quoi, seulement treize minutes écoulées depuis la dernière fois – l’heure !

L’ennui, c’est devoir écouter en opinant de la tête, apparemment captivée, le discours pontifiant et mortellement ennuyeux de son interlocuteur. C’est aussi percevoir – au-delà de la cloison vitrée – les babillages, les bourdonnements et les buzz de ses collègues d’open-space.

L'ennui, c'est les vingt minutes les plus longues de la mesure du temps. Celles qui permettent d'éteindre votre écran, de ranger les dossiers que vous avez judicieusement éparpillés sur le bureau pour dépeindre - s'il en était besoin - de votre suractivité, de ranger les quelques crayons et stylos qui s’encanaillent à droite et à gauche, de vous lever, enfiler sa veste, attraper son sac et sa bouteille d'eau et saluer d'un "au revoir" de soulagement ceux qui travaillent vraiment.

L’ennui, en attendant ces vingt ultimes minutes, c’est se creuser le cerveau, se remuer les méninges et – eurêka – dénicher un soupçon d’idée brillante qui aura aidé ces dernières à passer à la vitesse de la lumière.

L’ennui, c’est enrichir son imaginaire, se retirer de la réalité, entrer en soi-même, laisser son esprit vagabonder vers des contrées plus fertiles, des lieux où la vie est douce, joyeuse, sereine.


#grossoupir
#boring


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