À l'écoute du marché ...




Le téléphone sonne. Enfin ! vous décrochez, le cœur battant (mauvais signe si ce n'est pas le cas) quand une voix vous demande, jeune et très, comment dire, très chargée-de-recrutement-titulaire-d'un-master-ressources-humaines-qui-utilise-à-propos-et-tout-bien-dans-l'ordre-les-bons-éléments-de-langage, "madame C. bonjour ! Je voulais savoir si vous étiez toujours à l'écoute du marché ?". 

À l'écoute du marché. Mon Dieu. Quelle genre d'expression est-ce là ?  Marché économique ? Marché financier ? Marché global de performance ? Marché aux ... Ah mais non, mais bien sûr. Évidemment ! Marché de l'emploi. Bon sang, l'espace d'un instant, j'ai cru avoir perdu quelques milliers de neurones, affaiblissant encore plus l'unité fonctionnelle de mon système nerveux et pulvérisant au moins la moitié de ce qui me tient lieu de cerveau.

Moi ? À l'écoute du marché ? En recherche d'emploi quoi, pour faire simple et compréhensible (on aime bien utiliser des formules toutes faites à Paris. Le formatage fonctionne bien). Ben, à votre avis ? J'envoie mon curriculum-vitae pour que le destinataire puisse en tapisser son placard à balais ? Évidemment que je suis à l'écoute ... pour faire bonne mesure, j'ajouterai même, j'esgourde, je portugaise, j'huître (comment non ? huître ? portugaise ? vous ne faites pas le lien ? Ah, faut googlooooliser alors). 

Au fait, que me dit-il ce marché ? Il me dit : " Embellie annoncée, amélioration confirmée de la conjoncture". Mais, comme soeur Anne, je ne vois rien venir. Je suis dans le noir.  Le noir plus noir que noir. Je l'entends bien chuchoter le marché, de plus en plus fort et de plus en plus fréquemment : "évolutions structurelles, transformation numérique". Quelques mots savants se meuvent difficilement jusqu'à ma portion de cerveau encore en état d'ingérer  de nouvelles informations dont un qui pétarade plus fort que les autres : illectronisme. Tout de même, je n'en suis pas là. Je ne suis pas tout à fait une illettrée du numérique.

Allergique ? oui, ça pourrait le devenir. On s'acheminerait donc vers du tout remplacé par l'électronique et le numérique. Suffit de regarder les caisses de supermarchés. On paie autant, voire plus, pour faire le boulot des caissières. Il y en a qui aiment ça, en plus. Mais je digresse.

Le marché me susurre parfois, un brin perfide et fielleux : "Certes, vous avez plusieurs atouts à votre arc mais nous recherchons un profil à très, très, très forte valeur ajoutée. Vous voyez ?" . Oh oui et je n'ai même pas eu besoin de recourir à mes triples foyers pour décrypter. C'est quoi au juste, l'équivalent d'une forte valeur ajoutée chez un individu ?

Il ajoute parfois, le marché, plus franc du collier : "Ah, désolé madame, c'est la crise. Disons, enfin, on y va, vers une extension de la crise. Il faut lire la presse ". Pour ce qu'il en reste de la presse car ça licencie à tour de bras mais en silence, de ce côté là.

Il faut bien l'avouer, la plupart du temps, il n'est pas très causeur, le marché. Sarcastique, moi ? Que nenni, juste à l'écoute.

#worklife
#marchedelemploi
#maviesansjob

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